Paroles d’enseignants

Le traitement éditorial

« D’autres métiers doivent aussi s’adapter »


Paroles d’enseignants

Je suis enseignante en CM1, en primaire. Les enseignants sont censés œuvrer auprès de leurs élèves en classe dans la journée, et à distance le soir auprès de ceux isolés car positifs au COVID ou cas contacts, ce qui signifie concrètement la retranscription par écrit (et de longues heures devant l’ordinateur) des consignes transmises oralement en classe. C’est irréaliste, épuisant et inhumain. Je viens d’investir à hauteur de 700 euros pour un poste de travail ergonomique à la maison (fauteuil adapté, clavier et moniteur déportés, souris ergonomique…) afin de ménager des douleurs et tensions cervicales de plus en plus invalidantes. Nous sommes tous à bout, et recueillons finalement les fruits de tout ce que nous déplorons depuis de longues années, le manque de moyens, de reconnaissance, de confiance… Je finis par ne plus pouvoir supporter ce métier que j’ai adoré : je ne parviens plus à me détendre, suis actuellement sous anxiolytiques et pleure tous les jours…

Je suis enseignante en collège, professeure de mathématiques. Dans une classe de 6ème : il a fallu attendre qu’il y ait 17 cas positifs et un effectif réduit à 3 élèves présents pour que l’ARS accepte de fermer la classe… Quelle cohésion ??? Le virus ne peut qu’exploser dans ces conditions. Je serai bien sûr, dans ces conditions, gréviste demain.

Le ministre Blanquer persiste à maintenir des épreuves du baccalauréat en mars alors que les lycées dysfonctionnent au moment où les programmes devraient se clore dans les semaines à venir. Quel est le sens de ces épreuves pour des élèves ayant suivi un enseignement en pointillés ? La pression du calendrier… Parcours sup devient insupportable. Qu’attend M. Blanquer pour déplacer ces épreuves en juin ??

Que dire de la surdité du ministre concernant l’organisation du bac !! Nous venons (enseignants) de découvrir que les oraux de langues vivantes en enseignement de spécialité auront lieu début mars ! Ce qui signifie que malgré les nombreuses absences des élèves et les aménagements pour permettre à tout le monde de déjeuner à la cantine (donc réduction du temps de cours), nous devons terminer les programmes début mars ! Ce qui est irréalisable. Quel mépris ! Pour les profs mais surtout pour les élèves…

Je suis enseignante et j’ai renvoyé tous mes élèves chez eux lundi. Certains parents m’ont annoncé qu’ils refusaient de tester leur enfant et qu’ils reviendraient à l’école 7 jours plus tard. Magique, avec le nouveau protocole, ils reviennent tous demain ! Le gouvernement devrait assumer carrément de ne plus tester les enfants ! C’est très injuste pour les familles qui sont respectueuses des règles.

On parle souvent des directeurs/directrices d’école primaire, mais pas assez des enseignants du primaire qui gèrent eux-mêmes la situation avec les parents. J’ai eu 3 cas positifs dans ma classe, j’ai passé mes journées et soirées à envoyer et lire des messages de parents, à leur expliciter le protocole, qui n’est pas du tout clair si on ne fouille pas dans le FAQ. Par ex J+2, + 4 annoncés comme jour de déclaration dans les tableaux synthétiques du protocole, mais en réalité après le premier PCR. Vous annoncez d’abord quelque chose pour finalement revenir dessus. Ensuite, vous recevez toutes les attestations, par mail ou le matin, vous les pointez, vous relancez, vous vérifiez le jour du PCR pour ne pas exiger trop tôt ou trop tard les attestations autotests. Il est temps que l’on se rende compte que les enseignants du primaire n’ont pas de secrétaire ou surveillants pour les aider contrairement au secondaire.
De plus, pas le droit d’être cas contact !!!! La nation compte sur nous comme sur les soignants sauf que nous n’avons pas de prime covid ou de Ségur de la santé. Pas de réévaluation salariale si plus que 9ème échelon !!!
Alors, oui je ferai grève demain même si cela ne m’amuse pas d’embêter les parents.
Merci d’avoir pris le temps de me lire.

Je suis professeure des écoles et suis profondément choquée et en colère par ce que l’administration exige des enseignants : vérification des résultats de tests PCR, collecte des attestations sur l’honneur des autotests, etc… Je pensais que mon service était à caractère pédagogique…

Enseignante en collège je serai gréviste demain. Au-delà des problèmes liés à la pandémie je souhaite signaler que des classes sont à nouveau supprimées (une cette année et une autre l’an prochain pour mon collège). En conséquence les effectifs seront de 30 élèves par classe pour tous les niveaux (6-5-4-3) et certain-e-s collègues sont et seront affecté-e-s sur deux voire trois établissements. De quoi susciter les vocations chez nos jeunes !

Je suis enseignante en maternelle et nous avons eu hier un parent qui nous a dit qu’il allait remplir l’attestation sur l’honneur disant qu’il avait testé son enfant, alors qu’il n’avait pas fait ce test ; nous savons pertinemment que cela va se reproduire dans les semaines à venir. J’ai 55 ans, j’ai des élèves qui pour certains d’entre eux ont eu 3 ans fin décembre, qu’il faut aider à se moucher, qui toussent sans le faire dans le coude car ils sont trop jeunes pour cela, nous sommes sans cesse face à face avec eux de manière très proche, par exemple lorsqu’il faut fermer une vingtaine de manteaux ou aider à enfiler des chaussures… J’ai 55 ans et je ne me sens pas en sécurité dans ma classe…

Bien sûr, le contexte sanitaire vient encore compliquer la situation, jusqu’à la rendre ingérable. Mais l’école va très mal : pas de remplaçant, de plus en plus de contractuels non formés, des démissions comme jamais, les limites de l’école inclusive… Quel décalage entre le discours officiel et la réalité !!! Ce décalage rend encore plus insupportable les conditions de travail. Comment faire pour que ces difficultés soient au cœur des débats de l’élection présidentielle ?

Le gouvernement annonce des masques chirurgicaux.
La direction académique nous a annoncé lundi que « bientôt » nous allions recevoir des masques lavables 60 fois valables jusqu’à avril ! Mes collègues de maternelle viennent tout juste de recevoir les masques inclusifs (2 ans de retard!). Pour les tests ils ne seront pas automatiquement fournis aux enseignants mais chaque directeur doit centraliser les demandes des enseignants qui en veulent…encore de l’administratif.
Ce sont les enseignants qui nettoient les tables.
Notre Dasen nous dit qu’il n’y a pas plus de risque d’être dans une classe ou à la cantine qu’au supermarché ! On ne peut pas être en classe et en distanciel. On ne veut pas fermer les écoles, on veut des ventilations, des moyens humains, du respect, pas du mépris et des mensonges. L’école est à terre et on la piétine.

Pourquoi je ferai grève demain : Bien sûr les tergiversations et la communication chaotique et contradictoire du ministre Blanquer sur la gestion de la crise sanitaire sont une explication suffisante à ce mouvement de grève et de colère. Je viens de lire dans le Canard de ce mercredi que 2.5 millions d’autotests dormaient au ministère alors que dans mon établissement il faut aller les réclamer auprès de l’Intendance qui les garde sous clé et les distribue au compte-goutte. J’achète mes propres masques chirurgicaux et je viens de passer aux FFP2 (sur mes deniers bien sûr) parce qu’au lycée, nous faisons cours dans des classes de 34 à 36 élèves qui pour la plupart portent le masque sous le nez et qu’il faut redire 10 à 20 fois par heure que le nez aussi doit être couvert. Alors oui tout cela participe du ras le bol qui me pousse à aller manifester demain. Mais pas seulement. La gestion et la communication du ministre, sa réforme catastrophique du Bac modifiée 3 fois en 3 ans et qui n’a pour objectif que des économies budgétaires et se concrétise au quotidien par travailler plus pour gagner moins ! Oui je ferai grève pour manifester ma défiance totale de ce ministre et ma souffrance au travail liée à sa réforme

Je suis enseignante dans une école élémentaire à Limoges et souhaite partager mon point de vue sur ce que vit le monde enseignant actuellement. Je pense que la crise que nous traversons est révélatrice d’un problème sous-jacent et ne fait que mettre en lumière les difficultés rencontrées par l’Ecole à savoir :
-un système descendant et centralisé qui prend peu en compte les besoins locaux.
-un décalage entre les valeurs que portent les enseignants et des injonctions et discours ministériels. Un exemple, je ne nie pas l’importance de l’enseignement du français et des maths mais dans un monde multilingue, divers socialement et culturellement, il me semble important de prendre en compte cette situation. Nous ne sommes plus au 19ème siècle porteur d’une idéologie monolingue.
-Une nécessaire réflexion et la mise en oeuvre de moyens pour inclure les élèves en situation de handicap (écoles ouvertes aux parents, intervention de spécialistes présents dans les structures scolaires…)
-Le manque de considération de l’investissement des enseignants.
-Des salaires insuffisants
Il faut aussi reconnaitre que nous avons parfois du mal à remettre en question certains fonctionnements (difficultés à travailler en équipe…)
Merci !

En tant que professeur de mathématiques en lycée français en Allemagne et chargé de mission sur l’enseignement Hors de France à la fédération Unsa Éducation, j’aimerais témoigner d’une politique sanitaire différente possible. Depuis octobre 2020, les élèves et les personnels d’Allemagne sont testés 2 fois par semaine dans l’établissement. Les personnels de l’éducation ont été prioritaires rapidement dans la vaccination. Des FFP2 sont disponibles pour ceux qui le souhaitent depuis plus d’un an ! Pourquoi tout cela n’a-t-il pas été possible en France ?

Depuis hier et encore ce matin, j’entends sur vos ondes que les enseignants vont faire grève pour la fermeture des classes dès le 1er cas positif de COVID. Il me semble que c’est beaucoup réduire nos revendications. Si vous voulez être complets, regardez sur les sites des syndicats (SE-UNSA ou SGEN-CFDT par exemple). Une des 1ères revendications est juste la fourniture de masques chirurgicaux, ce que tout employeur en France (privé ou public, du plus petit au plus grand) fournit à ses employés. Nous sommes devant 30 élèves dans des espaces confinés et nous n’avons eu en 6 mois que 6 masques en tissu lavés et relavés !!!! Donc nous achetons nous-mêmes nos masques et cela depuis de nombreux mois. 2ème revendication répétée depuis 2 ans sans aucune avancée : capteur de CO2 pour vérifier l’air, comme dans la plupart des salles, nous ne pouvons pas ouvrir les fenêtres (obligation pour empêcher les accidents … dont nous serons responsables …). Votre information suggère que nous ne voulons pas accueillir les enfants … ce que nous faisons alors que notre ministère ne respecte pas la loi de préserver ses employés. Je vous remercie de votre attention.

Une fois encore je ne vous trouve pas juste dans la couverture médiatique de la journée de grève de jeudi et surtout sur le ministre. On n’a jamais eu un ministre de l’EN aussi bon avec autant de chantiers lancés en 4 ans. Et ce n’est pas de l’idolâtrie. Enfin, pour ma part je suis à 200, % d’accord avec la volonté de maintenir coûte que coûte les écoles. On a vu les dégâts de l’école à distance pour les plus fragiles.

Exaspération des enseignants tout à fait compréhensible. Ces derniers protocoles sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Même sentiment dans les pharmacies où on est également toujours prévenus les derniers de ce qu’on doit mettre en place pour le lendemain.
Tester autant de petits enfants sous la contrainte de leurs parents qui ont besoin de les remettre à l’école : c’est un cauchemar pour tout le monde, et ça ne sert finalement à rien.


Le traitement éditorial

A écouter les journaux du matin, il n’existe que des enseignants en grève, des écoles fermées et des parents qui soutiennent la grève. Pas le moindre enseignant interrogé pour dire ne pas vouloir ajouter des difficultés aux difficultés, pour dire qu’il n’est pas épuisé (Nous étions en vacances il y a moins de 10 jours et le serons à nouveau dans 4 semaines 1/2), pour pointer les contradictions des syndicats d’enseignants qui réclamaient qu’on reporte la reprise à la rentrée de septembre après le confinement de 2020 tout en se plaignant que celui-ci accroissait les inégalités. Et donc pas un seul parent pour pester contre cette grève qui leur rend la vie plus difficile.

France Inter rend bien compte de la généralité de la grève de demain dans toute l’Éducation nationale (merci à vous !), mais l’essentiel des médias se focalisent sur la grève des professeurs des écoles.
Pourrait-on rappeler que les lycées souffrent également : les jeunes « se gardent tout seuls » si les parents travaillent, mais depuis 2 ans, ils ne vont pas bien.
Le distanciel a été catastrophique pour beaucoup d’entre eux et notre ministre n’en a pas tenu compte : le bac est toujours les 14-15 mars pour des élèves qui ont des lacunes énormes et doivent avaler un programme trop difficile et trop abondant pour eux.
Nous, enseignants ne parvenons pas à faire notre métier correctement, nous n’avons aucune « soupape » pour aider nos élèves. La réforme du lycée devient dévastatrice avec cette pandémie.

Merci de ne pas oublier les personnels autres qu’enseignants. Je suis assistant d’éducation en collège et c’est la Vie Scolaire qui gère tout ce bizarre et le quotidien !! Professeurs absents, infirmière absente (malade), études surchargées, pas de gestes barrières tenables (cantine, permanence…), l’agacement des parents, la gestion des cas contact et cas positif, on est flexibles et mal payés, avec aucun soutien de la hiérarchie ni de l’ars… il faut garder tous ces élèves coûte que coûte, des parents nous disent déjà qu’ils feront de fausses attestations pour aller bosser !

Vous parlez toujours de l’Éducation nationale mais il y a également des jeunes dans l’enseignement agricole public et privé et ils souffrent aussi des conditions liées à la crise. En ce qui concerne mon établissement qui est privé sous contrat, nous n’avons ni masque ni autotest. Ne nous oubliez plus! Même quand vous parlez du Bac…

Je viens d’entendre que l’enseignement privé n’est pas concerné, mais si !!! Je suis enseignante en CP dans un établissement privé de l’enseignement catholique et gréviste !!! Ma directrice et les collègues aussi, les syndicats du privé appellent à la grève comme les autres. Attention c’est une idée reçue et fausse, nous avons les mêmes droits et moi je fais toujours grève. Merci de rectifier cette info !

Ce matin, une journaliste a évoqué la grève des enseignants et a précisé que c’était avec le soutien des parents d’élèves. C’est la FCPE qui a apporté son soutien, elle ne représente pas les parents mais une partie des parents. Dans un média de qualité, je pense que la précision des informations est essentielle. Par ailleurs, cela donne l’impression d’un soutien massif ce qui est loin d’être le cas.

Oser dire que LES parents d’élèves soutiennent l’appel à la grève, c’est ne pas être allé écouter les parents vendredi soir aux sorties des écoles. Ils étaient plus agacés que supporters de la grève annoncée. Dire que la FCPE soutient le mouvement ne prouve absolument pas que les parents sont sur la même longueur d’onde. Respectez un minimum d’impartialité.

Si on peut trouver quelques parents favorables à la grève, beaucoup m’ont dit que la situation était déjà suffisamment compliquée pour ne pas en rajouter et la plupart sont dans l’incompréhension (doux euphémisme) de ce recours à la grève.


« D’autres métiers doivent aussi s’adapter »

Je comprends très bien les difficultés des enseignants, cependant toute la société souffre…
Les enseignants sont épuisés par ces nouvelles contraintes, cependant à la fin du mois ils sont toujours payés…
Je travaille dans l’événementiel et depuis bientôt 2 ans je n’ai plus de travail car tous les salons et concerts s’annulent en cascades. Tous les soirs c’est l’insomnie où je pense aux salaires à payer, aux cotisations sociales à régler, au PGE à rembourser, et au carnet de commande qui ne se remplit plus depuis 2 ans, aux études des enfants à financer et aux traites de la maison. Après 25 ans d’activité sans compter mon temps ni mon énergie le déshonneur de la faillite qui guette me déprime et je n’ai guère de solutions pour exprimer mon désespoir ni la possibilité de faire grève demain.
Mon message est peut-être hors sujet par rapport à l’émission de ce soir mais il serait souhaitable que vous fassiez une émission sur les « non essentiels » qui sont autant en souffrance que les enseignants et les soignants…

Ça leur arrive de faire autre chose que se plaindre ? Ils peuvent imaginer pour s’adapter le temps d’avoir leurs consignes ! Dans les autres professions ont fait ça ! C’est inédit ? Et bien on s’adapte !

Une seule chose à dire : heureusement que soignants savent s’adapter et bravo à eux. Que penser des enseignants ????

Pourquoi cette plainte continuelle depuis des années des enseignants pourquoi ne font-ils pas des réunions de réflexion/action pendant leurs nombreuses vacances pour faire des propositions pour avancer ! Pourquoi les soignants ne font-ils pas grève ? Je pense qu’ils ont un sens de leurs responsabilités et de leur citoyenneté…Cette grève n’est que politique comme SNES SUP sait si bien utiliser le contexte… la messe est dite !

Actuellement, nous ne sommes pas en confinement, nombreuses professions ne télétravaillent pas, fermer une classe pour un cas mettrait en grande difficulté de nombreux parents. Personnellement, soignant, positif sans symptôme nous devons travailler pour que l’hôpital continue sa mission de soin… Nous devons tous rester positifs et nous adapter.