Trop ou pas assez ?
Cette semaine, les auditeurs auraient pu écrire sur le congé après la perte d’un enfant, les violences sexuelles dans le sport, les élections municipales, le projet de loi sur la réforme des retraites, l’augmentation des cas de cancer de 60% au cours des 20 prochaines années dans le monde, le projet de loi bioéthique adopté par le Sénat, Mila, la lycéenne de 16 ans dont les virulentes critiques de l'islam lui valent des menaces de mort, ou commenter la course à la Maison Blanche.
En réalité ces sujets ne les inspirent pas ou peu. A l’égard des primaires américaines, des auditeurs reprochent même aux antennes de Radio France d’en faire trop : « Ecouter "le grand feuilleton" des primaires américaines ne nous intéresse pas du tout. Je comprends bien le côté "vendeur" style série télévisée et le côté jouissance professionnelle pour certains journalistes. Mais vous devriez vous poser la question : qui ça intéresse réellement ces primaires ? Cette question ça pourrait être un bon début. Ensuite à vous de voir quelles informations vous souhaitez privilégier et à qui vous voulez vous adresser ». Ce « désintérêt » pour les élections US est analysé demain sur Franceinfo par Jean-Marc Four, directeur de l’information internationale de Radio France dans le rendez-vous de la médiatrice à 11h51 et 13h51.
Confusion ambiante
En revanche une actualité préoccupe les auditeurs mais ils n’entendent qu’ « un silence assourdissant » à ce sujet : les épreuves de contrôle continu du nouveau bac, appelées « E3C ». Depuis le 20 janvier dernier, date du lancement de ces fameuses « E3C », les perturbations n'ont pas cessé écrivent les auditeurs : « Je m'étonne de l'obstination avec laquelle vous taisez le mouvement de fond de contestation de la réforme des lycées. Chaque jour, des dizaines de lycées en France et en outre-mer connaissent des mouvements d'opposition aux E3C, nouvelles épreuves du nouveau bac, des lycées sont fermés ou évacués suite à l'annulation de celles-ci... La presse locale en parle, France 3 en parle... et votre radio fait silence. »
En effet, la tension ne retombe pas autour des épreuves de contrôle continu du nouveau bac et cette confusion ambiante est avérée dans des dizaines d’établissements. Cette semaine, depuis mardi, à Sceaux, le prestigieux lycée Lakanal est touché par une forte mobilisation des élèves contre la réforme du bac. Mercredi, à Rennes, une compagnie de CRS a été déployée devant un lycée pour sécuriser les entrées afin que les élèves puissent passer les épreuves. Rennes où la semaine dernière déjà les pompiers ont dû intervenir pour éteindre un début d'incendie dans un lycée où 350 élèves passaient des épreuves ; à Paris, au lycée Montaigne, l'équipe éducative a été aspergée avec des extincteurs à poudre devant la porte d'entrée de l'établissement par des personnes encagoulées; en Seine-et-Marne, une lycéenne manifestante de Jehan-de-Chelles s'en est prise physiquement à son proviseur, ce qui a entraîné un retard au début des épreuves ; dans la région de Grenoble, la police est intervenue dans plusieurs établissements au cours des derniers jours pour disperser des élèves, parents ou professeurs, évacuer les lieux ou contraindre des élèves à rentrer dans les salles d'examen.
Ces tensions, cristallisées autour des épreuves du contrôle continu, n’auraient donc pas été traitées sur les antennes ? Sur Franceinfo, il en est pourtant question tous les deux jours en moyenne. Alexis Morel, le spécialiste éducation de la rédaction, répond aux auditeurs en vidéo ici. Egalement dans cette Lettre tous les liens vers les reportages et sujets « E3C » traités par Franceinfo, France Inter, France Culture et France Bleu.
La propagation de la peur
Deux semaines après la mise en quarantaine du Hubei, province où est apparu le coronavirus, l'épidémie a contaminé plus de 31 000 personnes en Chine continentale, parmi elles 636 en sont mortes, selon un dernier bilan officiel. Dans le reste du monde, 240 cas de contaminations ont été confirmés dans une trentaine de pays et territoires, dont deux mortels, à Hong Kong et aux Philippines.
A cette sombre actualité se greffe une autre pandémie, celle de la désinformation sur le web et elle prend, avec le coronavirus, une ampleur sans précédent comme le révèle l’International Fact-Checking Network, le réseau international de vérification des faits (un partenariat de plus de 70 médias à travers le monde).
Conséquences : ces fausses informations alimentent les fantasmes, les craintes, et génèrent de multiples questions. Les auditeurs s’interrogent et manifestement ne savent pas auprès de qui s’adresser pour trouver des réponses : « Je m'étonne que le port du masque ne soit pas plus recommandé en France »,« Est-ce que le terme « contaminé » veut forcément dire « condamné » ? », « A-t-on un exemple d’une personne contaminée qui n’est plus malade aujourd’hui », « L'épidémie semble toucher maintenant tous les continents hormis l'Afrique et l'Amérique du sud. Est-ce juste parce que nous n'avons pas d'informations concernant ces pays ? », « Pourquoi ce virus dont on nous dit qu'il s'assimile à une grippe fait-il si peur? ».
Les antennes traitent amplement cette actualité et nous vous proposons de retrouver dans cette Lettre différents liens d’émissions sur le coronavirus afin de vous apporter un éclairage.
Un jeune sait quoi…de mépris ?
Il a 16 ans et il aime le cinéma. Il a un avis sur les films qu’il voit et le vocabulaire qui va avec pour en parler. Récemment il a vu « Green Book : sur les routes du sud » de Peter Farelly. Et le dernier film en date c’est « Jojo Rabbit ». Une comédie du réalisateur néo-zélandais Taika Waititi. Quatre-vingt ans après « Le Dictateur » de Charlie Chaplin, Taika Waititi utilise l'humour pour dénoncer l'intolérance et le fascisme. « Jojo » se déroule en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale et met en scène un jeune garçon de 10 ans et son ami imaginaire nommé Adolf Hitler.
Il a 16 ans et il aime tellement le cinéma qu’il est venu assister au « Masque et la Plume » consacré dimanche dernier aux dernières sorties. Et ça tombe plutôt bien, il est prévu de parler de « Jojo Rabbit ». Au Masque on n’a pas trop aimé ce film et on le dit : « C’est une merde absolue ». Critique qui a provoqué des réactions d’auditeurs : « Désolé que vous ayez perdu votre âme d'enfant même si je suis persuadée que ce film ne leur est pas réservé, il est bien plus profond que vous le dites », « Je suis choqué par votre analyse du film Jojo Rabbit que j'ai adoré. Vous êtes engoncé dans un mépris tellement général pour tout ce qui n'est pas vous que vous avez été incapables d'être sensible à la poésie et à l'intelligence de ce film. »
Il a 16 ans et il est dans l’assistance lors de l’émission. Lui aussi a aimé ce film. Il veut le dire. On lui tend un micro. La suite ce sont les auditeurs qui la raconte, puisque cette séquence les a autant fait réagir que les critiques sur le film : « Je suis interloquée de la façon avec laquelle vous avez ri, tous, aux dépens d'un spectateur de 16 ans, qui prend le risque de prendre la parole dans votre émission, de donner son humble avis à lui, devant ce parterre d'éléphants de la critique de cinéma », « Prendre de haut, ce soir, un spectateur au motif qu'il n'a que 16 ans ! Viiiite France Inter, rajeunissez cette bande de critiques devenus myopes », « Votre mépris vis-à-vis du jeune intervenant de 16 ans est vraiment à vomir. »
Dans « Le Mépris » de Jean-Luc Godard, Jack Palance, parfait, déclare : « J’aime les dieux. Je sais exactement ce qu’ils ressentent ». Une réplique que ce jeune auditeur peut assurément faire sienne au sujet des critiques du Masque.
Bonne lecture,
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes
Voici les dominantes du 31 janvier au 7 février 2020 à retrouver dans les messages des auditeurs ci-dessous :