Si loin... Si proche...
17 mars - 17 avril : un mois de confinement. Nos vies ont changé, nos façons de travailler aussi. Mais nous sommes là, d’un côté ou de l’autre du poste et nous formons une communauté : celle des auditeurs de Radio France. Et les auditeurs, hors les murs de cette grande Maison, ont une particularité, une singularité exemplaire : ils aiment écrire à leur radio. Par attachement, par ferveur, par passion. Comme on écrit à un membre de sa famille, à une amie, à un être que l’on aime. Certains écrivent régulièrement, d’autres épisodiquement, ou juste une fois, comme ça, sur un coup de tête, pour un coup de cœur ou un coup de gueule.
On écrit quelques mots à la vitesse d’un tweet ou une longue lettre car, en ce moment l’opportunité est là, de prendre le temps ou de l’occuper. Alors on écrit à la radio, cette voix multiple qui anime le salon, la cuisine ou la salle de bain. Il y a dans les lettres reçues depuis un mois de la ferveur, de l’excès, de l’indignation, de la joie, de la gratitude, de l’émotion, du courage aussi pour trouver les mots qui cisèlent ce réel inouï, tragique, grotesque, sordide, brutal, vertigineux et cruel.
45 000 messages depuis le début du confinement
45 000 messages adressés aux antennes de Radio France en un mois. Ce chiffre traduit un attachement et une fidélité remarquables, des attentes et une exigence également. Les directrices et les directeurs de chaîne ont donc tenu à répondre à ces courriels, nourris de remerciements, de remarques, de questions et de témoignages.
Les auditeurs de France Inter vont savourer les mots que leur adresse de sa cuisine, Laurence Bloch, la directrice de la chaîne : « Cette crise nous a appris à vivre séparés mais plus que jamais ensemble et à l’écoute continue de l’antenne je me réjouis tellement de la place que nous avons décidé de vous donner à vous auditrices et auditeurs grâce à l’interactivité et au répondeur. C’est une place que l’on vous doit et que l’on vous devra à l’avenir ! »
Dans sa lettre, Vincent Giret, directeur de Franceinfo, leur raconte son antenne « devenue une radio d’urgence et, aussi, un média de l’intime et de la conversation (…) Avec une irrésistible envie de partager et de dialoguer. Des échanges de grande tenue et d’un intérêt constant, qui nous ont rapprochés de vous. Ensemble, nous fabriquons du lien. » Il y revient également demain, 18 avril, dans le « Rendez-vous de la médiatrice », chaque samedi sur Franceinfo, et nous explique la spécificité d’une radio d’information continue pour traiter cette actualité historiquement sans précédent.
Sandrine Treiner, directrice de France Culture fait une déclaration à ses auditeurs : « Je sais parler au nom de tous les journalistes, productrices et producteurs de France Culture, réalisatrices et réalisateurs de nos émissions, techniciennes et techniciens, au nom de toutes celles et ceux qui travaillent pour la chaîne et quel que soit leur métier, en vous faisant cette simple déclaration : vous nous manquez ! ».
Même constat, formulé avec d’autres mots, pour Bérénice Ravache, directrice de FIP, qui invite ses auditeurs à une valse sur les ondes : « Nous avons à cœur de continuer à vous faire voyager, de continuer à vous prendre la main, à vous enlacer, d’être toujours plus proche de vous ».
Marc Voinchet, directeur de France Musique, toujours au diapason avec ses mélomanes, évoque la fraternité dans sa lettre : « Jadis, il y avait ce slogan pour France Musique : « Ce monde a besoin de musique ». Il prend tout son sens plus que jamais et vous nous le confirmez par vos nombreux témoignages. Cela nous touche infiniment parce qu’au fond, vous nous dites ce en quoi nous croyons, c’est que des trois principes de notre devise nationale « Liberté, Egalité, Fraternité », celui le plus immédiatement applicable, le plus facilement réalisable, c’est celui de « Fraternité ».
Une promesse républicaine aussi évoquée dans la bande son hip-hop, rap, R’n’b de Mouv’. Son directeur, Bruno Laforestrie, écrit à son jeune public, un mois après le début du confinement : « Il y a toujours une première fois. Et cette première fois nous la vivons ensemble. »
A l’issue de ce mois de confinement, Jean-Emmanuel Casalta, directeur de France Bleu, écrit également à ses auditeurs : « France Bleu est mobilisée pour remplir sa mission de service public, à la fois par la mise en œuvre de ses propres initiatives et par le relais d’initiatives locales. Nous avons à cœur de répondre à vos besoins et à vos attentes en matière d’informations pratiques et de services, de conseils et de divertissements dans cette course de fond solidaire et en relais dans laquelle sont engagées toutes les équipes de France Bleu à votre service », un florilège des initiatives est proposé ici.
L’intégralité des textes des directrices et directeurs des antennes de Radio France sont à lire dans cette Lettre.
Des enquêtes…
J’ai eu l’occasion de l’écrire ici, la teneur des messages reçus au service de la médiation a évolué depuis la mise en place du confinement. Outre des remerciements, des témoignages de vie, des textes et des poèmes, les auditeurs continuent d’écrire sur la ligne éditoriale, mais la réelle nouveauté depuis un mois, c’est qu’ils suggèrent des reportages aux rédactions et les enquêtes figurent parmi les sujets régulièrement évoqués.
Dans la période inédite que nous traversons, la Cellule investigation de Radio France a d’ailleurs lancé davantage d’enquêtes, sur des formats plus courts, et exclusivement centrées sur la crise, diffusées sur les antennes et publiées sur les sites des chaînes de Radio France : « Cette formule nous a semblé d’autant plus pertinente que la situation exceptionnelle que nous vivons appelle un questionnement des choix de nos gouvernants, et un examen approfondi de ce qui se vit sur le terrain. Nous avons enquêté sur les masques : pourquoi en manque-t-il ? Pourquoi le discours du gouvernement a-t-il évolué ? Qui sont les intermédiaires douteux qui profitent de la situation ? Nous avons aussi travaillé sur les laboratoires et leur stratégie, analysé les conséquences du rassemblement évangélique de Mulhouse, l’impact du premier tour des municipales sur les contaminations » détaille Jacques Monin, directeur de la Cellule investigation de Radio France qui explique le travail de son équipe depuis le début du confinement.
…de l’actualité internationale
« Je constate depuis un mois un total manque d'information sur le monde extérieur. Par-là, j'entends le reste de la planète ; ou alors, c'est uniquement sous l'angle du Covid19. Et même là, c'est le plus souvent restreint aux pays européens ». Au regard de toute la production de sujets, de reportages, de chroniques consacrés à l’actualité internationale sur les antennes, cette remarque, disons même cette critique, relève purement de la perception. J’invite les auditeurs qui auraient le sentiment que l’on n’en fait pas suffisamment à reconsidérer leur avis en prenant connaissance de la synthèse que propose dans cette Lettre Jean-Marc Four, directeur de la rédaction internationale. Sur les antennes de Radio France, depuis le début de la crise du Covid-19, l’offre éditoriale est réellement unique en termes de reportages à l’étranger, grâce aux journalistes qui se rendent sur les terrains les plus atteints, grâce aux correspondants permanents à l’étranger et au réseau de collaborateurs pigistes hors de l’hexagone. La rédaction internationale informe sur l’état de l’épidémie à travers la planète mais pas seulement, elle propose aussi chaque jour, cinq infos du monde, garanties sans Covid-19, dans le rendez-vous « Par ailleurs », toutes les infos sont à retrouver ici.
…et le sport en période de confinement
Début mars, tous les journalistes sportifs étaient dans les starting-blocks : « Ce devait être l'été de tous les exploits sportifs. Roland Garros, Euro de football, Tour de France, Jeux Olympiques, Jeux Paralympiques, les championnats d’Europe d'athlétisme en France : six compétitions majeures qui s'enchaînent en un peu plus de trois mois : un été comme il en existe rarement dans une vie de journaliste sportif » rappelle Vincent Rodriguez, directeur des sports de Radio France. La suite on la connaît. Tout a été stoppé. Un vrai crève-cœur raconte ici Vincent Rodriguez, aux auditrices et auditeurs amateurs de sports, obligés de renoncer, comme les journalistes sportifs, à tous ces grands rendez-vous du printemps et de l’été 2020.
Dans cette grande boucle vertueuse de l’échange qui s’est instaurée depuis un mois où les auditeurs écrivent, certains répondant même à d’autres auditeurs dont ils lisent les messages sur le site de la Médiatrice, Jean-Luc confie : « Parmi les messages des auditeurs qui vous écrivent, nombreux sont ceux qui expriment le souhait qu'après la crise actuelle, on ne retombe pas dans les erreurs du passé en matière de mode de vie, consommation, transport… Je partage ce point de vue. Certains disent qu'ils doutent que de véritables changements se réalisent. J'en doute aussi, vu l'état actuel de la mobilisation du peuple dont nous faisons partie pour que justement les choses changent. J'invite donc les auditeurs et les autres aussi à rejoindre les organisations qui agissent collectivement au niveau national et international pour un changement vers plus de justice sociale et de respect de l'environnement. Invitation pour ceux qui ne sont pas déjà engagés bien sûr. J'invite aussi les radios publiques à donner beaucoup de place à ces organisations, au travail qu'elles font, à l'espoir que cela représente pour le futur. »
Son message est un écho à la belle proposition du sociologue, anthropologue et philosophe des sciences, Bruno Latour, formulée sur France Inter le 3 avril dernier au micro de Nicolas Demorand : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable de suspens pour se dire, bon, maintenant qu’est-ce que je garde, qu’est-ce que je ne garde pas. Si on ne fait pas preuve de discernement, c’est gâcher une crise, c’est un crime (…) Le rôle de la pensée c’est aussi de jouer le coup d’après (..) La question c’est : “est-ce qu’on va apprendre de cette crise ?” ».
Chacun à titre individuel peut s’interroger. Aux médias également de s’emparer de cette question : qu’allons-nous en faire de cette crise ? Demain dans « Le rendez-vous de la médiatrice » sur Franceinfo, Vincent Giret répond à cette question riche de tous les possibles.
Bonne lecture,
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes