Hauschka et l’Oscar : A l’Ouest, des sons nouveaux

Des notes tenues de cordes, dans les aigus et le médium, sans pulsation, sans mélodie, qui dessinent un temps figé, un horizon sans relief. Et puis soudain. Si bémol, ré bémol, fa. Trois notes électriques surpuissantes, qui tombent lourdement du ciel. A moins que ce motif grave ne vienne des tréfonds de la terre. Peut-être, dans ce cas, représente-t-il plutôt le mal et la peur qui s’avancent derrière les beaux discours de la mobilisation.

Ces trois notes sont le cœur battant de la bande originale d’A l’Ouest, rien de nouveau, un film inspiré du roman éponyme d’Erich Maria Remarque qui nous invite à suivre un jeune allemand envoyé sur le front de l’Ouest. Pour cette nouvelle collaboration avec le réalisateur Edward Berger, le compositeur allemand Volker Bertelmann alias Hauschka avait une grande liberté. Alors, comme à son habitude, il a élaboré une partition mêlant des instruments électroniques et acoustiques, qui s’intéresse moins à la mélodie qu’au paramètre du timbre, à la brillance, à la nature du son. Comme la forme et le fond sont liés, Hauschka a par exemple eu l’idée d’utiliser à certains endroits de la bande originale un harmonium du début du 20e siècle, qui a, comme les personnages du film, lui aussi connu la Première Guerre mondiale car il appartenait à sa grand-mère.

Cet harmonium, les salves de caisse claire, les bruits sourds de grosse caisse, les cordes pleine de réverbération, modifiées par des filtres, des boucles musicales et des amplificateurs de toutes sortes nous rappellent à quel point Hauschka ne se satisfait pas des sons d’instruments acoustiques traditionnels. En revanche, son instrument fétiche est absent de la bande originale. Il s’agit du piano préparé, un piano dont il modifie le timbre en étouffant les cordes avec sa main, en plaçant divers objets comme des pièces de monnaie ou des balles de ping-pong sur les cordes comme l’avait fait avant lui John Cage.

Si vous écoutez les disques d’Hauschka, ses musiques composées pour des séries ou des films vous tomberez forcément sur ces sons de piano préparé, ce piano aux timbres étendus qu’il joue autant dans les clubs que les philharmonies. Un instrument qui sonne comme un véritable ensemble grâce à des pédales de looping et qu’il utilise en solo ou en duo avec des amis musiciens. Je pense notamment à une star du classique, la violoniste Hilary Hahn. « C'est extrêmement important de sortir de sa bulle et de travailler avec quelqu'un qui élargit votre créativité. » confie Hilary Hahn à propos de l’album Silfra qu’elle a intégralement enregistré avec Hauschka. « Je ne joue jamais avec quelqu’un pour des raisons purement amicales ou marketing. Tous mes projets viennent d'un intérêt et d'une fascination pour le travail de quelqu'un d'autre. » Une fascination pour la musique d’Hauschka visiblement partagée par le jury des BAFTA et des Oscars qui a décidé de récompenser le travail de ce compositeur curieux et de lui offrir une visibilité nouvelle, des horizons plus grands, à l'Est comme à l'Ouest.