Méga-bassines : Que sont ces énormes réservoirs d'eau et pourquoi sont-ils contestés ?

Méga-bassine ©AFP - Delphine Lefebvre / Hans Lucas
Méga-bassine ©AFP - Delphine Lefebvre / Hans Lucas
Méga-bassine ©AFP - Delphine Lefebvre / Hans Lucas
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Avec les manifestations à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) fin octobre contre les méga-bassines, la visibilité de ces projets de création de gigantesques réserves d’eau à partir du pompage dans les nappes phréatiques a pris une ampleur nationale.

Avec
  • Joël Limouzin Président de la chambre d'agriculture de Vendée et membre du bureau de la FNSEA
  • Christian Amblard Spécialiste de l'eau et des systèmes hydro-biologiques, directeur de recherche honoraire au CNRS

Avec Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA, responsable de la gestion des risques climatiques et sanitaires et président de la chambre d’agriculture de Vendée. Il est agriculteur en GAEC sur une exploitation en polyculture élevage de bovins et porcs

Christian Amblard, Directeur de Recherche Honoraire au CNRS - Docteur d'Etat en Hydrobiologie.

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Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines Non Merci qui lutte contre la construction de seize méga-bassines dans les Deux-Sèvres. Il est batelier au cœur du Marais Poitevin, à Arçais. Il est aussi l’un des créateurs de la coopérative de la Frênaie, un éco-camping.

Si vous n'aviez jamais entendu parler des méga-bassines l'année dernière, impossible d'échapper ces dernières semaines à ce sujet à haute tension. Il y a un mois tout juste, des milliers de personnes manifestaient à Sainte Soline, dans les Deux-Sèvres, pour refuser l'accaparement de l'eau incarnée dans ses projets de retenue géante. 1700 gendarmes. Cet hélicoptère avait été mobilisé pour stopper cette manifestation interdite par la préfecture hier. Cinq hommes comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Niort pour avoir justement participé à cette manifestation. Ils ont été condamnés à deux et trois mois de prison avec sursis. Mais pourquoi ces structures sont elles aussi décriées ?

La fonction des méga-bassines

Aussi appelé réserves de substitution, les méga-bassines substituent par rapport à un prélèvement dans des nappes phréatiques. Il y a deux types de nappes. Une, plus en surface et une autre beaucoup plus en profondeur. C'est la nappe en surface à quelques dizaines de mètres et qui est très réactive, notamment dans le territoire du Marais poitevin, qui permet d'être fluctuante en fonction de la pluviométrie. C'est uniquement l'eau en excès qui y est captée dans ces méga-bassines et permet d'avoir une disponibilité en période estivale. D'autres structures comme les retenues collinaires et les barrages permettent la récupération d'eau.

Les méga-bassines sur le territoire

Ces fameuses méga-bassines se situent dans majoritairement dans la la partie ouest du territoire où les prélèvements dans les nappes phréatiques permettent de les remplir, notamment en Vendée qui en compte 27 et sur la partie des Deux Sèvres où seize méga bassines sont programmées. Ces « piscines géantes » mesurent entre cinq à une quinzaine hectares et peuvent faire jusqu'à dix mètres de profondeur. En creusant, le remblai, tout ce qui va être enlevé de roche calcaire va être lissé et plastifié. On y met ensuite l'eau en allant la chercher avec des pompes dans les nappes. Par exemple sur le site de Sainte-Soline, il y a 18 kilomètres de canalisations à créer, six pompages et 630 mètres cube par heure pendant 24h/24 et sur 45 jours pour remplir la méga-bassine.

Pour Christian Amblard, Directeur de Recherche Honoraire au CNRS : « Il y a toujours eu des retenues d'eau, ici, il est question d'une politique générale de création de bassines. Je crois que généraliser cette politique des bassines et des réservoirs pour faire de l'irrigation est une fuite en avant dans le cadre d'une agriculture qui est chimique et intensive. C'est un triple échec à la fois économique, social et environnemental. Si l'on est vraiment soucieux de l'avenir de l'agriculture, ce n'est pas la création de bassines qui est importante, mais bien de retenir l'eau dans les terres en mettant en place des pratiques d'agroécologie et d'agroforesterie pour avoir une transition rapide et économe en eau et saine pour l'environnement et la santé humaine. »

Le Marais poitevin

Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci et Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA travaillent sur le même territoire, celui du marais poitevin. Les Deux-Sèvres, la Vendée et la Charente-Maritime sont aux confins de ce marais. Un territoire qui est très observé sur la capacité des niveaux d'eau et sa partie batellerie. 230 agriculteurs sont concernés sur ce territoire pour 9 600 hectares qui vont être irrigués. Aujourd'hui, les agriculteurs qui irriguent restent une minorité, et seulement 4 à 5 % des surfaces sont irriguées en France. Pour en bénéficier, il faut aménager ces territoires avec des réserves de substitution sur des zones filtrantes. Joël Limouzin, agriculteur et vice-président du FNSEA précise : « Nous sommes sur des zones de calcaire où l'on sait qu'on a une nappe qui est très mobilisable en eau et qui peut remplir ses réserves grâce à ses nappes. Dans le département de la Vendée, on en a une quinzaine qui sont aujourd'hui en place et qui ont permis d'augmenter le niveau des nappes de deux mètres. » Pour Julien Le Guet et son association : « Cela démontre qu'il y a bien une agriculture qui arrive à s'affranchir de l'irrigation artificielle et qui va réussir à adapter ses plans de culture avec la pluviométrie. Dans les années 70, il n'avait pas de ce type d'irrigation et nous étions pourtant en autonomie alimentaire sur nos territoires. »

Les méfaits des méga-bassines

Pour Christian Amblard, directeur de Recherche au CNRS et Docteur d'État en hydrobiologie, il faut absolument retenir l'eau dans les sols et non dans les méga-bassines : « Il a la fois une perte quantitative et qualitative. Ces bassines sont alimentées par de l'eau profonde qu'on monte et qu'on expose au soleil. Il y a deux contre-indications. D'une part, on a une perte quantitative par évaporation qui est extrêmement forte, parce que si on doit irriguer ce qui fait chaud et qu'il y a énormément d'évaporation. Il faut savoir qu'il y a eu des études qui ont été faites sur les lacs nord-américains, et selon les expositions et la météo, sur l'ensemble d'une période estivale, on perd entre 20 et 60 % des volumes d'eau par évaporation. D'autre part, il y a une perte qualitative car lorsqu'on fait monter de l'eau qui est dans les sols, on réchauffe sa température ce qui développe un certain nombre de micro-organismes parmi eux, on trouve des cyanobactéries qui peuvent être toxiques et qui rendent cette eau parfois même inutilisable, alors que cette eau, quand elle est dans les sols, elle joue un rôle d'unification qui est extrêmement important et utile. »

🎥 Un documentaire, Julien, le marais et la libellule, sera diffusé le lundi 5 décembre à 23h15 sur France 3

La prochaine grande mobilisation est prévue le 25 mars : « Manifest’action nationale PAS UNE BASSINE DE
PLUS dans le Poitou-Charentes

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

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