Comment Coca-Cola a conquis le monde 

"La pause qui vous permet de continuer" : publicité pour Coca-Cola, vers 1934 ©Getty - Apic
"La pause qui vous permet de continuer" : publicité pour Coca-Cola, vers 1934 ©Getty - Apic
"La pause qui vous permet de continuer" : publicité pour Coca-Cola, vers 1934 ©Getty - Apic
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Un livre d'histoire, paru aux éditions Vendémiaire "L'Amérique en bouteilles" raconte la marque la plus vendue au monde (même si ce n'est pas le cas en France). Elle compte bien gagner des parts de marché à l'occasion des JO de Paris l'an prochain... On parle bien-sûr de Coca Cola.

Didier Nourrisson, excellent historien de l'alimentation, raconte comment l'entreprise née en Géorgie, a, par étapes, colonisé le monde.

Si la France n'a pas été le pays le plus touché, il faut savoir qu'au départ, la formule initiale s'inspirait des vins médicinaux qui étaient un peu notre spécialité nationale - les vins Mariani, par exemple, dont la publicité disait : "Les vins Mariani réveilleraient les momies". C'est dans un second temps que le fondateur, Pemberton, se tourna vers l'eau gazeuse et que le soda où infusaient mystérieusement la coca d'Amérique et la kola d'Afrique commença à être distribué par des fontaines rafraichissantes.

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Pemberton est sorti assez vite de l'histoire du Coca, néanmoins la légende continue de dire que la première formule qu'il mit au point serait conservée dans le sous-sol d'une banque d'Atlanta, intouchée depuis 1886. Les moines chartreux racontent la même chose à propos de leur liqueur sauf que présentement, ils ont décidé d'en réduire la production au nom du principe de précaution.

Coca - qui vit sur d'autres proportions- pratique en réalité la diversification et la modification perpétuelles. Au point, au moment de son centenaire, d'envisager la liquidation de la mouture initiale.

Les consommateurs, y mirent bon ordre à commencer par les plus jeunes qui protestèrent au crin de "On nous change l'Amérique".

Publicité pour Coca-Cola (vers 1880)
Publicité pour Coca-Cola (vers 1880)
© Getty - Bettman

La force de Coca a d'abord été de se confondre avec l'Amérique

Et d'être regardé comme un instrument de construction des Etats-Unis, un chemin pour en intégrer successivement les différentes populations.

Les premiers projets de pénétration en Europe s'esquissent à peine quand le président de la firme, Candler, emmène sa femme en 1913 pour un long voyage en Europe puis c'est la Grande guerre. Ensuite le nouveau patron Bob Woorduff relance la fonction exportatrice. Elle passe par la bouteille. En 1928, la vente en bouteilles dépasse la vente au verre à la fontaine à sodas. C'est au nombre des usines d'embouteillage qu'on mesurera l'expansion des marchés étrangers.

La première en France date de 1921.

En Europe, le premier rôle sera tenu par l'Allemane plus que par notre pays.

Nourrisson montre comment Coca n'a pas été gêné par le nazisme. Pourtant les concurrents et les vendeurs de bière ne se sont pas fait faute de parler d'une "boisson enjuivée". Mais le patron de Coca Allemagne, Keith, contourna les obstacles, associa Coca aux JO - déjà, ceux de Munich 1936 auquel se rendit le grand patron Woodruff qui passa une soirée avec Goebbels et Goering. Coca fut un grand fournisseur de la Wehrmacht.

Comme de l'armée américaine, évidemment. Le général Eisenhower après le débarquement allié en Afrique du Nord réclame l'envoi urgent de 3 millions de bouteilles et l'assemblage rapide de dix usines.

Avec la Guerre froide, la fonction de Coca se modifie

La petite bouteille symbolise le mode de vie que défend l'Occident face au communisme qui, lui, l'ignore. Le directeur de Coca Export, Farley, est un ancien conseiller de Roosevelt qui ne craint pas d'affirmer: "Là où il y a Coca, les rouges ne passeront pas."

Un soldat américain et des enfants vietnamien boivent des Coca (1965)
Un soldat américain et des enfants vietnamien boivent des Coca (1965)
© Getty - Bettmann

Les communistes ne sont pas en reste de slogans. L'Unita, le journal du parti italien, explique que Coca fait blanchir les cheveux des enfants. L'Humanité en France que la boisson est aussi dangereuse que le maïs hybride importé lui aussi des Etats-Unis.

Sur ces questions comme sur celle de la presse destinée à la jeunesse, les communistes trouvent des alliés notamment chez les catholiques. Une proposition de loi est même adoptée en 1950 à l'initiative de Paul Boulet, maire très chrétien de Montpellier. Elle veut bloquer la consommation de Coca par une vérification sanitaire de sa composition. Le lobby de la viticulture appuie cette offensive puisqu'aussi bien, le vin français apporte la santé, c'est bien connu !

En 1985, Coca apparait à la Fête de l'Humanité. Et en 2024, aucun moment des Jeux Olympiques de Paris ne lui échappera.

En 1972, même Fidel Castro, le leader de la révolution cubaine, buvait du Coca-Cola
En 1972, même Fidel Castro, le leader de la révolution cubaine, buvait du Coca-Cola
© Getty - Romano Cagnoni

C'est une tradition, Coca aux JO

On parlait de Munich 1936. Il faudrait citer Helsinki 1952, Melbourne 1956. Le grand jeu était alors de voler des photos d'athlètes des pays communistes en consommant joyeusement et de les diffuser ensuite.

A Paris 2024, rien de clandestin, tout est contractualisé. Coca aura la main sur toutes les boissons non alcoolisées jusqu'aux eaux et au thé. A sa présence après l'ouverture s'ajoutera le parrainage du parcours de la flamme. Le maire de Montpellier explique que pour rien au monde, il n'aurait laissé échapper la chance de voir la flamme passer dans sa ville. Pauvre Monsieur Boulet.

Et une fois qu'on sera parvenu aux épreuves, comment boira-t-on le Coca et ses différents satellites ? Dans des gobelets en carton bien sûr et au pied de grandes fontaines à soda. Retour aux origines ?

Didier Nourrisson, L'Amérique en bouteilles, Vendémiaire.

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