Épisode 1 : Colette Magny, la révoltée

Ne l’appelez pas “chanteuse engagée” : Colette Magny déteste ce terme. Ne dites pas non plus qu’elle fait de la variété : son style est inclassable. Ne lui proposez pas l’Olympia, elle l’a déjà refusé 4 fois. Ne dites pas qu’elle est gauchiste ou communiste : elle se dit plutôt internationaliste… Et surtout : ne réclamez pas son unique grand succès populaire en concert :  Colette Magny pourrait se mettre en colère.

En 1963, Colette Magny chante Melocoton en direct à la télévision dans l’émission Le Petit conservatoire de la chanson présentée par Mireille. La chanteuse a déjà 37 ans mais vient à peine de se lancer dans la chanson… Magny explique difficilement son arrivée dans le monde musical. Elle dit qu’en écoutant Édith Piaf, Yves Montand ou Marcel Mouloudji, elle trouvait toujours quelque chose qui ne lui plaisait pas. Elle se lance alors un pari : passer une audition dans un cabaret et si ça marche, elle démissionne. Le 14 juillet 1962, elle se rend à la Contrescarpe à Paris. Sa voix plaît immédiatement, Colette Magny est engagée !

Entre "Feu et rythme", une porte-parole à la voix de velours

Dans ses carnets et tout au fond d’elle, il existe un univers rempli d’une colère noire. Colette Magny profite de sa notoriété soudaine pour faire entendre sa voix. Colette Magny n'entre dans aucune case, se soucie peu du politiquement correct. Sa voix est un porte parole, un amplificateur des malheurs du monde : la guerre au Vietnam, le travail des ouvrières et ouvriers du textile, les enfants soldats ou le massacre des Cherokee…

Dans son style musical, Colette Magny touche à tout. Elle s’entoure d’instrumentistes adeptes du free-jazz, sort un album explosif en 1970 intitulé Feu et Rythme et réussit à décrocher le Grand prix de l’Académie Charles Cros. Toujours dans les années 1970, Colette Magny découvre la musique contemporaine. Elle rencontre Iannis Xenakis qui souhaite collaborer avec elle, mais elle refuse. Colette Magny a déjà une identité forte et la musique n’est pas pour elle quelque chose à intellectualiser. Grâce à elle, de nombreux textes ont existé comme les poèmes de Victor Hugo, Arthur Rimbault, Louis Aragon en passant par la plume engagée de Violeta Parra ou l’érotisme de la poétesse du XVIe siècle Louise Labé.

La chanteuse au grand cœur a été ignorée longtemps par certains médias, par le public aussi, mais elle retrouve aujourd’hui une place dans la sphère publique grâce notamment à une chanson récente, Mes grands-parents, sortie en 2017 sur l’album du rappeur Orelsan qui reprend un sample d’une de ses chansons : J’ai suivi beaucoup de chemins… La gloire n’aura jamais été le chemin de Colette Magny, à l’exception de son Melocoton, un chemin de traverse qui aura fait connaître une chanteuse au grand cœur, aux convictions fortes et à la voix de velours.

Programmation musicale

Colette Magny

• Repression, extrait de l'album Repression
  Label Le Chant Du Monde 1972
• Melocoton / Didn't my Lord deliver Daniel, extraits de l'album Melocoton
  Label Versailles 1997
• Vietnam 67, extrait de l'album Vietnam 67
  Label Chant du monde 1967
• La pieuvre, extrait de l'album Par les damnés de la terre
  Label Hors cadres / Modulor 2018
• Cherokee, extrait de l'album Repression
  Label Le Chant Du Monde 1972
• Feu et rythme : La marche, extrait de l'album Feu et rythme
  Label Colette Magny 2008
• Ras la trompe : Le pachyderme, extrait de l'album Transit
  Label Chant du monde, 1975
• J'ai suivi beaucoup de chemins, extrait de l'album Melocoton
  Label Versailles 1997
• Baise m'encor, extrait de l'album Vietnam 67
  Label Chant du monde 1967

Orelsan

• Mes grands-parents, extrait de l'album La fête et finie / Épilogue
  Label Wagram Music 2018

Colette Magny

• Le p'tit quinquin, extrait de l'album Berceuses du monde entier
  Label Chant du monde 1981

Musique, nom féminin

Une série écrite et produite par Aliette de Laleu
Réalisée par Lionel Quantin
Avec la collaboration d'Aude Vassent (INA)
Avec le partenariat du CNM (Centre national de la musique)