Marouane Bakhti pour le livre “Comment sortir du monde”

Marouane Bakhti. - Les Nouvelles éditions du réveil.
Marouane Bakhti. - Les Nouvelles éditions du réveil.
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Quelqu’un que vous n’avez encore jamais entendu puisque jusqu’à présent il n'a pris la parole nulle part. Il vient de publier son premier roman. “Comment sortir du monde”, il s’appelle Marouane Bakhti. C'est donc une voix nouvelle qui raconte l’époque et une jeunesse française.

J’ai des envies, enfin. Il faut les acclamer. J’ai des choses à dire.” C’est l’une des phrases de “Comment sortir du monde”, le premier roman de Marouane Bakhti.
Il a 26 ans et il fait le portrait d’une jeunesse de France à travers le personnage d’un garçon, “fils d’un Arabe et d’une fille d’ici”.

Un garçon qui découvre son homosexualité très tôt et qui veut partir. Quitter la campagne où il a grandi en espérant trouver refuge à Paris.
"Comment sortir du monde” est un livre plein de mouvements. Celui d’un poing fermé qui devient un fruit ouvert. Un mouvement de l’ombre, vers la lumière. De la honte, la colère, vers la réconciliation.

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Une jeunesse s’écrit en ce moment même dans la littérature française, avec Fatima Daas, Diati Diallo et lui aujourd’hui.

Son livre, "Comment sortir du monde"

Dans ce livre, Marouane Bakhti raconte, par son personnage, l'homosexualité, même si le mot n'est jamais écrit : "Comme une forme de secret, de chose à cacher. Toute son enfance, il a la crainte d'être démasqué. Et c'est vraiment ça l'histoire aussi du livre. En tout cas, le début, c'est cette façon qu'il a de vouloir toujours échapper au radar."  
Il ajoute : "L'homosexualité, en même temps que d'être issu de deux cultures, nous met dans une espèce d'état d'hyper-conscience. Et cet état d'hyper-conscience l'empêche parfois aussi d'être dans l'instant présent et de profiter avec sa famille."

Dans ce livre, son personnage veut s'émanciper de la honte. Et ce parcours, il passe par différentes étapes. Il y a d'abord la colère, le fait de rejeter en bloc toute la culture. Le personnage rejette en bloc toute la culture de son père, qui est fils d'un exilé marocain. Le personnage se moque même de cette culture, jusqu'au jour où le personnage dit : "Puis mon père m'a appris la chahada et en fait, j'ai adoré ça." Qu'est-ce que la chahada ? "C'est la phrase qu'on prononce pour devenir musulman."

La religion sera finalement salvatrice pour lui comme l'auteur l'explique : "La religion arrive à un moment où le personnage ne comprend vraiment pas où il peut aller. Il a essayé en effet de rejeter sa religion, sa culture d'origine. Il a essayé la rupture avec sa famille, et il n'arrive pas à devenir quelqu'un comme ça, de façon hors sol. C'est très difficile et donc il se rappelle et retourne dans ses souvenirs."

Marouane Bakhti montre qu'existe la possibilité à un moment de s'inventer soi-même, et que l'on peut être Français, musulman, homosexuel. Ce qu'il a voulu écrire, c'est un récit de réconciliation, comme il l'explique : "Je crois qu'écrire ce roman, c'était un acte d'amour. D'ailleurs, ce n'est pas du tout un livre de vengeance, par exemple, un livre de résignation. C'est la réconciliation du personnage avec sa famille et avec ses territoires aussi d'origine. Je crois très fort au compromis, à la patience, au pouvoir bénéfique du temps, à ce qu'on peut dire avec les mots, avec la nourriture, avec les gestes. Vraiment, je crois à ça."

Sa façon d'écrire : marche, pain et littérature

Marouane Bakhti entretient un rapport très fort au langage. Il explique aussi d'où lui vient cette envie d'écrire : "Le fait de ne pas maîtriser la langue arabe est une souffrance et c'est aussi l'un des sujets du livre. [...] C'est aussi, je crois, là où naît la littérature, le désir d'écrire. Parce que quand on entend des gens en permanence dire des choses, qu'on n'est pas sûr de comprendre, parce qu'en fait il y a une différence entre ne pas comprendre et comprendre 10 % ou 20 % de ce qui est dit, ça vous offre la possibilité d'imaginer."

L'auteur a aussi été auparavant boulanger et il fait une analogie entre ce métier et le fait d'écrire : "J'ai toujours été plutôt touche-à-tout. J'ai eu du mal à faire des choix. Donc j'ai voulu aller à la fac, écrire des romans, faire du pain. J'ai toujours beaucoup d'idées. Le pain, c'est ce qui m'a tenu pendant toute l'écriture de ce roman. Et je crois que le pain et la littérature ne sont pas très différents. Finalement, il y a une temporalité qui est proche entre le travail de l'écriture et la boulangerie, il y a des longs moments de pause, de repos."

Pour écrire, il marche beaucoup, comme il le raconte : "C'est là que les mots viennent dans le corps directement. Je rentre chez moi et j'ai les jambes qui tirent un peu, je m'assois et je commence à écrire. Et de la même façon que je laisse reposer le pain, on fait sa petite tambouille comme ça. Quand on soulève le chiffon et que la fermentation a eu lieu, de la même façon on enfourne et c'est une temporalité que je ne trouve finalement pas si éloignée."

Écoutez cet entretien passionnant dans son intégralité...

La carte blanche

Twitter. Coup-de-poing dans la mâchoire, gifle gantée, matraque qui fracasse les lombaires, corps sous le poids d’un deux-roues, pouce arraché, grenade explosive, œil éclaté.

Live TikTok. Du gaz, masse blanche effilochée, course folle, hurlements, masses noires avec cuirasses sur motos rutilantes, les phares braqués vers une foule que l’on distingue mal.

Tout autour, le feu dévore les emballages MacDo, les cartons de pizza, les surgelés périmés, les crevettes puantes, les litières pour chat, les épluchures de légumes, les publicités mensongères, les photos de vacances dont on ne veut plus.

Ça tape depuis longtemps sur les corps marron et noirs. Mais depuis quelque temps, c’est sur tout le monde que ça tape, ça tape, ça tape. Dans la ville et jusque dans les champs.

Drones. Éclats de plastique dans la face, pied broyé, main arrachée, quad déchaîné. Vus du ciel, les gens font comme des milliers de particules sur l’étendue verte.

Et cette révolte a une odeur. L’odeur de l’humus, des ordures et de la colère, mélangés.

Au fin fond du vortex que forme Internet, on scrolle la violence de la police. On imagine les craquements, les déflagrations de douleur dans le crâne, les doigts pétés. On comprend la peur de celui qui n’est pas blanc ou de celle à qui l’on dit que son heure est venue, les poignets lacérés par des menottes de plastique.

Face aux images irréfutables, les mots insipides répétés inlassablement par un gouvernement de pantins remplis de mousse. Comme un message automatique qui résonne : "Tout va bien".
"Tout va bien".
"Tout va bien".

Aujourd’hui comme hier, ça ne va pas. Dans les prés et dans les rues, la foule dit : "Nous ne prenons pas la bonne direction. Nous voulons la dignité, la justice, la fin de la misère". Elle dit encore : "Rejoignez-nous, trouvons des solutions".

Aujourd’hui plus qu’hier, je veux croire que l’on ne se laissera pas aplatir par les pixels. Ce que l’on cherche, c’est trouver un moyen pour sortir du monde. C’est parvenir, comme le disait Kateb Yacine, à planter un jardin parmi les flammes.

Le tube de Marouane Bakhti

FRANK OCEAN – Thinkin' bout you

Programmation musicale

ANGELE – Le temps fera les choses

L'équipe

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