Fake news "Brigitte Macron" : dans la tête des complotistes

L’affaire Brigitte Macron est l’histoire d’une femme lambda, Natacha Rey, qui s’est persuadée et qui a essayé de convaincre d’autres personnes, que la première dame était un homme, qu’il s’appelle Jean-Michel Trogneux et qu’il contrôle le président pour - entre autres malveillances - imposer la théorie du genre dans l’agenda politique.

L'incarnation d'une fake news

Emmanuelle Anizon, grand reporter au Nouvel Obs et autrice de “L’affaire Madame. Le jour où la Première dame est devenue un homme : Anatomie d’une fake news” (Studiofact éditions, mars 2024), a enquêté sur les origines de cette rumeur : "Tout commence le 10 décembre 2021, sur une chaîne Youtube peu connue et animée par une medium qui reçoit Natacha Rey. On ne la voit pas, elle a des lunettes noires, un grand chapeau et dit vouloir rester anonyme. Elle raconte avoir enquêté depuis trois ans sur l'identité sexuelle de Brigitte Macron et qu'elle a les preuves qu'elle est un homme. Ce qu'il y a de particulier, c'est que cette émission connaît un succès incroyable, en quelques heures, elle est partagée plusieurs centaines de milliers de fois, à tel point que Brigitte Macron a dû intervenir sur TF1 pour affirmer qu'elle n'est pas un homme."

Pour la première fois, on arrive à retrouver l'origine d'une fake news, incarnée en la personne de Sarah Rey : "Il a été possible d'approcher la source d'une fake news et de comprendre ce qui motivait les ressorts de cette fake news. J'ai pu rencontrer Sarah Rey et intégrer son entourage, ceux qui travaillent à la propagation de cette fake news. Cette femme a cinquante-et-un ans, elle est cultivée, a beaucoup lu, voulait être artiste, est vegan et très impliquée dans la défense des animaux. C'est le portrait d'une citoyenne inoffensive."

Évolutions et permanences des théories du complot

Ce n'est pas la première fois qu'une Première dame est visée par une théorie du complot. Avant Brigitte Macron, Claude Pompidou, la femme de Georges Pompidou, avait aussi été la cible d'une rumeur équivalente. Laurent Cordonnier, sociologue et directeur de la recherche de la fondation Descartes, précise : "Ce qui change aujourd'hui, c'est le développement des réseaux sociaux qui rend possible à tous de diffuser sa vision du monde. Internet a aussi donné la possibilité à des gens qui de détecter des anomalies, notamment dans les discours officiels sur certains événements. Ce qui est important, c'est d'accumuler ces anomalies dans un 'millefeuilles argumentatifs', pour ensuite construire une théorie du complot."

Des professionnels du complot

Dans son enquête, Emmanuelle Anizon repère deux étapes à la propagation de cette fausse information. La première est le développement de la théorie par Sarah Rey sur une vidéo YouTube, la deuxième est la reprise de cette théorie par des complotistes professionnels, qui lui donnent une ampleur sans précédent : "L'émission YouTube est d'abord diffusée dans le petit milieu de la complosphère, mais parvient ensuite à le dépasser. Sarah Rey est submergée par des propositions d'aides partout en France. Des groupes de citoyens travaillent pour prouver que Brigitte Macron est un homme. Ne trouvant pas de relais dans les médias 'mainstream', elle s'adresse à Xavier Poussard qui écrit dans une revue confidentielle d'extrême-droite 'Faits et documents'. Le but de ce dernier est clairement de déstabiliser le pouvoir et il fait une série d'enquêtes qui n'a pas plus d'échos. Xavier Poussard s'allie alors à un compte Twitter très suivis, appelé 'Zoé Sagan', dont le principe est de mélanger de vraies informations avec de la désinformation."