Sorj Chalandon et ses sources

Sorj Chalandon ©AFP - Joel Saget
Sorj Chalandon ©AFP - Joel Saget
Sorj Chalandon ©AFP - Joel Saget
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Dans le huis clos de son bureau, Sorj Chalandon convoque tout un monde : son enfance sans tendresse ni livres, l'école buissonnière pour se sauver des griffes du père, ses débuts au sein du journal Libération, ses émotions de lecteur, son expérience de reporter et son travail d'écrivain.

Avez-vous déjà entendu cette phrase « Il y a le travail d’un côté et la vie privée de l’autre » ? ou bien celle-ci « Quand on arrive au bureau, on laisse ses émotions de côté et on les récupère en sortant » ? Peut-être que vous êtes d’accord avec ces principes, peut-être qu’il faut savoir compartimenter, trier ses émotions en fonction de l’endroit, des gens qui partagent l’espace avec nous. Peut-être qu’il y a la vie privée d’un côté, la vie professionnelle de l’autre, mais peut-on vraiment croire que ces deux espaces ne rentrent jamais en collision, qu’il n’y a aucune trace de l’un dans l’autre et que leurs limites sont parfaitement hermétiques ? Que faire des jaillissements personnels, intimes, qui surviennent pendant des phases de travail, des voyages d’affaires, des moments voués uniquement à notre boulot, notre job ? Et quand ce boulot amène dans des lieux du globe, et de soi-même, où tout est retourné, bouleversé, à la fois nouveau et détruit… que reste-t-il de ce que nous sommes ? Comment rentre-t-on chez soi ? La frontière entre l’extérieur et l’intérieur est-elle assez solide pour permettre de continuer à vivre ?

Sorj Chalandon est journaliste, grand reporter. Il a voyagé. Il a rencontré des hommes et des femmes dans des recoins du monde où la rencontre est une question de vie ou de mort. Il a écrit sur ce que signifie, réellement, le mot « résistance ». Sorj Chalandon est toujours journaliste, mais depuis quinze ans, il est aussi romancier : dix ouvrages ont paru aux éditions Grasset, dont Le Quatrième Mur en 2013, qui a reçu le prix Goncourt des Lycéens.

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Quelle différence y a-t-il entre un article et un roman ? La question paraît bête, mais les réponses sont multiples, et pendant une heure, Sorj Chalandon m’a reçue chez lui, dans son bureau du dernier étage, où figurines, totems et objets du passé côtoient les idées, les espoirs, les histoires du présent."
Cécile Coulon

Sorj Chalandon
Sorj Chalandon
© AFP - Joël SAGET

« Je tiens énormément à mon statut de journaliste, mais le roman me permet de revenir à ce que je suis. Je retourne sur le lieu du massacre et parce que je suis auteur, j’ai le droit de pleurer avec les autres. En tant que journaliste, c’est impossible. » Sorj CHALANDON

Le petit Bonzi, Sorj Chalandon, Grasset, 2005

« D’un coup, un matin, comme ça, il n’a plus craint les consonnes, ni les voyelles, ni les syllabes, ni rien. Ses mots étaient en fête, en propre, en habits du dimanche, élégants, soyeux, fiers, ils flânaient dans des phrases si vastes qu’ils y marchaient de front. La tempête était apaisée. Elle avait quitté son souffle. Chaque mot attendait de dire. Il patientait en gorge comme on rêve au salon. Presque, il a failli jeter son dictionnaire des synonymes. Le détruire, le brûler, le saccager, l’envoler page à page comme des feuilles mortes. En faire des avions, des aérodynes, des aéronefs, des aéroplanes, des fusées, des missiles, des boulettes, des boules, des balles, des billes, des bulles, des globes, des sphères. Faire taire ces mots pour rien, ces mots appris par cœur, tous ces mots de rechange quand un mot bègue en lèvres. Jacques Rougeron a cessé de bégayer durant presque trois jours. »

Cécile Coulon : "Où va l’écriture, a-t-elle une destination, un but ? "

Sorj Chalandon : " Ce que je sais c'est qu’écrire de la fiction continue de me grandir. Ça me permet d'être entouré de choses qui me manquent, comme l'amitié, le respect, la fraternité. Et quand ça te manque dans ta vie, il faut les trouver ailleurs. Si j'étais musicien, je ferais de la musique, si j'étais poète je ferais de la poésie, si j'étais peintre je peindrais la fraternité... donc j'écris l'amitié. Voilà, pour moi, ça me sert à me lever le matin et à me dire : il faut continuer. "

LES SOURCES de Sorj Chalandon

Choix musical : Le Requiem de Fauré par Cecilia BARTOLI et l'orchestre de l'Académie Sainte-Cécile de Rome dirigé par Chung Myung-whun.

Textes sources : Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon, L’enfant de Jules Vallès, l’œuvre de Simenon (un maître)

LECTURES

Le petit Bonzi, Sorj Chalandon, Grasset

Le quatrième mur, Sorj Chalandon, Grasset

Mon traître, Sorj Chalandon

Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon

Programmation musicale

Bertrand BELIN : La nouvelle

Sharon VAN ETTEN : Never gonna change

Gabriel FAURE : Requiem op 48 : Pie Jesu (pour mezzo-soprano, orgue et orchestre)

Programmation musicale

  • Arctic Monkeys

    There'd better be a mirrorball (radio edit)

    Album There’d better be a mirrorball (radio edit) (2022)

    Label DOMINO RECORDS

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