Ils exercent un métier formidable

Hommage aux infirmières et infirmiers à domicile par Baptiste Beaulieu. ©Getty - Halfpoint Images
Hommage aux infirmières et infirmiers à domicile par Baptiste Beaulieu. ©Getty - Halfpoint Images
Hommage aux infirmières et infirmiers à domicile par Baptiste Beaulieu. ©Getty - Halfpoint Images
Publicité

Quel genre de société est la nôtre si nous accordons si peu de valeur au travail des infirmiers et infirmières à domicile ?

Alors voilà, la semaine dernière, je suis allé en visite à domicile chez une patiente diabétique. J’allais commencer ma consultation quand son infirmier à domicile est arrivé dans sa petite automobile.

Il a étalé son champ stérile, puis les gants, et enlevé le pansement du gros orteil de madame et nettoyé sa plaie qui ne veut pas guérir, et pour laquelle il faut pratiquer des soins quotidiens.

Publicité

Au moment d’enlever l’ancien pansement, il l’a d’abord mouillé pour que cela ne fasse pas mal à la patiente quand il le décollerait de la plaie. C’est le genre de petits détails de rien du tout mais qui disent beaucoup sur le soignant d’abord, et sur la nature humaine ensuite.

Je veux dire, il était pressé, il avait un planning chargé comme tous les soignants, mais il a pris son temps pour ne pas ajouter de la douleur à la douleur.

C’est une vilaine plaie, qui va jusqu’à l’os. Il a nettoyé, désinfecté, graissé, puis refait le pansement.

Ensuite ? Ensuite il a injecté un anticoagulant, puis préparé le pilulier, a échangé avec moi sur ce qu’on pourrait faire pour améliorer l’état de la patiente.

Et il a même pris le temps de rire avec elle plusieurs fois, un humour à base d’orteil qu’on coupe et qu’on met dans la soupe, ce genre d’humour noir qui est parfois nécessaire dans nos métiers autant pour le soignant que pour le soigné. C’était vraiment la plus audible des blagues racontées ce jour-là, les autres nous appartiennent.

Bref, l’infirmier est resté 36 minutes avec nous. Ses soins, il les a tous pratiqués courbé en avant, j’ai proposé une chaise, il a dit non, je ne sais pas pourquoi vu que c’était pénible pour lui, et ça, ça m’a marqué.

Chaque jour, des milliers de patients bénéficient en France de soins à domicile, de la part de milliers d’infirmiers et infirmières dévoué(e)s et compétent(e)s qui ne comptent par leurs heures.

Si j’en parle là ce matin, c’est aussi car il faut qu’on se rende bien compte de ce que cela représente en terme de cotation c’est à dire de salaire pour ces soignants-là : déjà, il touche 2€50 pour se déplacer jusque chez le patient. Et si on ajoute à cela ce qu’il touche pour les soins on atteint un total de ATTENTION (roulement de tambour) : 11€95 ! ! ! ! Pourquoi si peu ?

Tenez-vous bien, le deuxième acte est coté 50% de sa valeur. Et le troisième acte ou le quatrième eux ne seront pas comptabilisés.

C’est comme si j’allais dans une librairie et que je payais mon premier livre plein pot, le deuxième moitié prix, et que je pouvais obtenir gratuitement le troisième voire le quatrième bouquin !

Je veux dire : si le pansement de cette patiente n’est pas fait, et si son pilulier n’est pas préparé, la patiente risque le pire. Ce sont des soins essentiels, au moins aussi essentiels que les miens en tant que médecin généraliste. Combien de patients devraient être hospitalisés sans eux et leur boulot, générant des coûts dix fois plus importants pour la communauté ?

Ce sont mes collègues et ils exercent un métier formidable : il serait grand temps que leurs compétences soient appréciées à leur juste valeur et non rémunérées au rabais. Quel genre de société est la nôtre si nous accordons si peu de valeur au travail des infirmiers et infirmières à domicile ?

L'équipe

pixel