Chaque jour, nous recevons de nombreux messages sur la situation au Proche-Orient. Ce conflit complexe et profondément chargé d’émotions suscite actuellement davantage d'intérêt chez les auditeurs que l’actualité politique et économique en France. Cependant, nous commencerons cet édito en évoquant un sujet qui a fait vivement réagir les auditeurs de France Inter, France Culture, et Franceinfo : la mort du jeune cycliste tué à Paris.
Un cycliste tué à Paris
Un cycliste, prénommé Paul, âgé de 27 ans, est mort mardi en fin d'après-midi à Paris, renversé par une voiture après un différend avec le conducteur du véhicule. Ce dernier, âgé de 52 ans, a été interpellé sur place. Une enquête pour meurtre a été confiée au 1er district de police judiciaire.
Le lendemain, le 13-14 de France Inter a consacré un reportage à cette information et dès sa diffusion en direct sur l’antenne, de nombreux auditeurs nous ont écrit pour faire part de leur profonde indignation. Ils reprochent d'avoir donné la parole à des personnes qui blâment les cyclistes, suggérant que la victime avait en partie provoqué sa propre mort. Ces auditeurs critiquent la diffusion de propos irresponsables, comme ceux d'un chauffeur de taxi et d'un commerçant, qui minimisent la gravité de l'acte de l'automobiliste. Ce traitement est perçu comme une forme de banalisation de la violence contre les cyclistes.
Les auditeurs auraient souhaité un reportage plus équilibré avec le témoignage de cyclistes ou d'experts, plutôt que de faire entendre des points de vue unilatéraux qui justifient en partie l'agressivité des automobilistes. Ils déplorent également l'absence d’un avis sur les dangers auxquels sont confrontés les cyclistes en ville.
Nous mesurons pleinement l’émotion ressentie par les auditeurs.
Le reportage en question donne effectivement une place disproportionnée à des témoignages qui fustigent les cyclistes. Les propos relayés justifient, d'une certaine manière, l'agressivité des automobilistes à leur encontre. Cette approche, perçue à juste titre comme un
"reportage à charge" contre les cyclistes, manque de nuance et de diversité de points de vue.
Il est essentiel, dans ce type de reportage, de ne pas contribuer à la stigmatisation d’un groupe vulnérable, en l'occurrence les usagers de la route les plus fragiles, et de veiller à présenter, avec discernement, une analyse rigoureuse. La violence routière est un sujet grave, et les propos diffusés, sans contrepoids, risquent d’alimenter une perception erronée des responsabilités sur la route.
Indiquons que ce mercredi le journal de 19h de France Inter a proposé un portrait du jeune cycliste. Paul était très engagé dans la pratique du vélo en ville, auteur d'un livre blanc pour les piétons et les cyclistes de Saint-Ouen. La municipalité de cette commune, où il résidait, s'était largement inspirée de ses préconisations dans le déploiement des mobilités douces à l'échelle de la ville.
La Direction de la rédaction de France Inter a tenu à répondre aux auditeurs :
“La Direction de la rédaction comprend l'émoi suscité par la diffusion du reportage. Ce sujet a été réalisé en direct des lieux du drame. Même si ces propos sont évidemment perturbants, c'est la parole que nous avons recueillie sur place, c'était notre travail de journaliste d'en faire part. Cependant, tout en faisant entendre ces paroles qui traduisent la violence entre automobilistes et cyclistes et qui donnent des clés de compréhension du drame, il aurait été préférable, même dans des conditions d'urgence de mieux équilibrer un reportage fait le matin même. Il convient aussi d'apprécier la couverture globale de cet évènement que la rédaction de France Inter a réalisé. Il faut ajouter à ce reportage, un autre sujet fait à 19h le soir même qui comportait des éléments de portrait de la victime (qui n'étaient pas disponibles à la mi-journée) et qui donnait la parole aux associations de cyclistes. Nous sommes également revenus sur ce thème en ouverture du journal de 7h le lendemain jeudi avec un reportage réalisé lors du rassemblement d'hommage et mobilisation des associations et des proches de la victime.”
A propos de cette actualité, sur France Culture, le billet d'humeur de Guillaume Erner du 17 octobre, intitulé « Vous voulez vous adresser à nos camarades automobilistes ? », a touché les auditeurs par “sa justesse”. Ils ont salué son courage d’aborder une réalité souvent négligée : la vulnérabilité des cyclistes face aux dangers routiers et le manque d’infrastructures sécurisantes. Certains remercient le journaliste d’avoir nuancé le débat en reconnaissant que certains cyclistes adoptent des comportements imprudents, tout en rappelant que même les plus attentifs sont mis en danger à cause de la négligence des automobilistes.
Ceux qui pratiquent le vélo au quotidien estiment que ce billet a permis de mettre en lumière un sujet rarement abordé avec autant d’équilibre.
A propos des cyclistes et des automobilistes, les messages adressés à Franceinfo reflètent des réactions variées qui traduisent, in fine, l’équilibre du traitement éditorial. Certains auditeurs critiquent le manque de contradiction dans les interviews entendues sur l’antenne, soulignant que les cyclistes sont aussi responsables d’une part de la violence routière en raison de comportements dangereux, comme l’ignorance des feux rouges ou la circulation sur les trottoirs. Ils regrettent que la responsabilité des cyclistes soit minimisée ou ignorée dans les débats.
D'autres, en revanche, expriment leur colère face à des commentaires qui, selon eux, attisent une haine injustifiée contre les cyclistes, notamment en insistant sur leurs infractions plutôt que sur leur vulnérabilité face aux automobilistes. Ils estiment que les cyclistes, souvent exposés et sans protection, méritent une couverture plus empathique, surtout dans des situations dramatiques comme les accidents mortels impliquant des voitures.
La situation au Proche-Orient Qu'il s'agisse des événements en Israël, à Gaza ou au Liban, les auditeurs se montrent particulièrement engagés dans leurs commentaires sur la situation au Proche-Orient. Leurs messages témoignent de leur forte implication dans le suivi de l'actualité internationale et montrent à quel point ces enjeux les touchent.
La couverture médiatique, l'analyse des faits ou la manière dont sont présentés les différents points de vue, soulèvent des critiques, des encouragements ou des remarques passionnées reflétant l'intensité du sujet et l'importance qu’il revêt dans les discussions publiques.
Malgré des perceptions divergentes, tous réclament un traitement rigoureux et nuancé, soulignant l'importance de donner la parole à des experts et de documenter les faits de manière précise avec éthique.
L’élection présidentielle américaine Ce soir à 18h50, dans « Questions du soir » sur France Culture, Clotilde Dumetz, directrice de la rédaction, répondra aux questions posées sur la couverture de l’élection présidentielle américaine. Des auditeurs souhaitent comprendre quels enjeux politiques, sociaux et économiques sont jugés prioritaires par la chaîne pour couvrir cette élection décisive pour les États-Unis et le monde. Comment la rédaction rend-elle compte de ces dynamiques en jeu dans les différents Etats ?
Au-delà des programmes et des déclarations des candidats, France Culture accorde aussi une attention particulière aux citoyens américains. Quels dispositifs sont en place pour capter les préoccupations et les motivations des électeurs, et offrir ainsi une couverture qui reflète la diversité des voix américaines ?
Des auditeurs s’intéressent également à la réalisation du podcast « La présidentielle américaine vue de » 4 grandes capitales ou villes à travers le monde : comment ont été choisies ces villes, et en quoi elles permettent d’apporter une perspective internationale sur l’élection américaine ?
Plus largement, nous verrons comment, à l’occasion de cette élection présidentielle américaine, France Culture continue à creuser le sillon de son approche éditoriale unique, fondée notamment sur l’analyse approfondie et la contextualisation.
Hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard Une minute de silence a été organisée lundi dans les collèges et lycées de France en mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard, professeurs assassinés par des islamistes radicalisés. Samuel Paty, âgé de 47 ans, a été poignardé puis décapité par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d'origine tchétchène, le 16 octobre 2020 à proximité de son collège. Le jeune homme de 18 ans, musulman radicalisé, lui reprochait d'avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. L'émotion provoquée par cet attentat a été ravivée par l'assassinat, le 13 octobre 2023, de Dominique Bernard, 57 ans, poignardé à mort par Mohammed Mogouchkov, un ancien élève fiché pour radicalisation islamiste, devant son établissement à Arras.
Les messages expriment un mélange de compliments et de critiques concernant la couverture journalistique de la minute de silence en hommage aux deux professeurs ainsi que le traitement médiatique des assassinats d'enseignants par des terroristes islamistes. Certains auditeurs saluent l'intervention d’invités qui ont su remettre les événements dans leur contexte en nommant explicitement l'islamisme comme source du problème. Cependant, plusieurs reproches sont adressés aux journalistes pour avoir utilisé des termes jugés trop généraux ou affectifs, tels que "terroriste radicalisé" ou “son petit frère", sans mentionner spécifiquement “l’islamisme", ce qui est perçu comme une forme de réticence à désigner clairement l'idéologie derrière ces actes.
D'autres critiques portent sur le choix éditorial de France Inter, accusée d'éviter certains sujets sensibles comme la montée de l'islamisme dans les écoles, ainsi que sur la hiérarchisation perçue des assassinats d'enseignants. Les auditeurs regrettent l'oubli systématique d'événements tels que l'attentat du 19 mars 2012 à l'école Ozar Hatorah à Toulouse, où Jonathan Sandler, enseignant et père de famille, fut assassiné avec ses deux fils. Certains jugent cette approche des questions liées au terrorisme et à l’islamisme, trop «
prudente » ou «
incomplète », au risque de nuire à la lutte contre «
ces phénomènes ».
« L’affaire Mbappé » «
Lassitude » et «
incompréhension » résument l’état d’esprit des auditeurs de Franceinfo nous ayant écrit au sujet de la couverture «
excessive » de « l’affaire Mbappé ». Ils critiquent le traitement disproportionné d'une information qu'ils jugent “
insignifiante”, déplorant que les journalistes accordent autant de temps à ce sujet. Certains estiment que la chaîne se livre à du "
racolage informatif" en créant une histoire là où il n'y en a pas, tandis que d'autres regrettent le manque de vérification des faits relayés. Ils considèrent que cette couverture relève davantage du “commérage” que du journalisme, et appellent à un traitement plus rigoureux et équilibré de l’actualité.
Demain, dans le rendez-vous de la médiatrice sur Franceinfo à 13h20 et 16h20, Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de franceinfo et Nathalie Iannetta, directrice des Sports de Radio France, répondront aux questions des auditeurs.
L’économiste Alexandra Roulet L’économiste, Alexandra Roulet, était invitée dans le « 13-14 » de France Inter, le 11 octobre dernier, pour commenter le projet de budget 2025. Plusieurs auditeurs regrettent que son rôle passé de conseillère économique auprès du Président Emmanuel Macron et de la Première ministre Élisabeth Borne n'ait pas été mentionné. Ils estiment que cette omission nuit à la transparence et à l’objectivité de l’interview, particulièrement en raison des éloges qu’elle a formulés sur le budget proposé par l’actuel Premier ministre, Michel Barnier.
Bien que son expertise ne soit pas remise en question, ces auditeurs jugent qu'il aurait été plus approprié d’inviter un économiste sans lien avec l’exécutif, ou à tout le moins de clarifier les anciennes fonctions d'Alexandra Roulet, pour permettre une meilleure compréhension de ses positions.
Les remarques des auditeurs sont fondées, et leur exigence n’est pas nouvelle. Elle est apparue en avril 2020, en plein confinement : les auditeurs voulaient alors une « certification » des invités qui s’expriment. En d’autres mots, avoir la garantie que le propos diffusé était porté par un interlocuteur dont le profil est correctement établi.
Quelle est sa légitimité à s’exprimer ? Quel est son positionnement politique ? A-t-il d’éventuels conflits d’intérêts ? Appartient-il à une chapelle idéologique ? A-t-il plusieurs « casquettes » ?
A cette époque, cette demande visait uniquement des scientifiques ou des médecins, très présents alors sur les antennes. Elle s’étend depuis aux différents interlocuteurs et invités des chaînes.
D’où tire sa légitimité, le soi-disant « expert » d’un cabinet de conseil lambda présent en plateau ?
L’enseignant interviewé est-il syndiqué ?
Le chercheur invité en studio est-il en lien avec des laboratoires pharmaceutiques ?
Le témoin d’un reportage, ou l’un de ses proches, est-il directement, ou indirectement, victime d’une agression, atteint d’une pathologie, etc. ?
La liste serait longue. Ces quelques exemples permettent d’entrevoir la porosité à l’œuvre lorsqu’une seule et même personne évolue dans différentes sphères, politique, sociale, culturelle, économique, militante, ou dans des groupes d’intérêt, d’influence ou de réflexion (« lobby », « think tank ») ou s’avère être un soutien à une personnalité engagée dans une cause particulière.
On comprend dès lors que ces situations d’interférence sont de nature à influencer le propos de l’interviewé et donc, l’entacher de suspicion si ce dernier n’a pas été présenté avec transparence.
Il ne s’agit pas pour le journaliste d’être exhaustif, le temps limité en radio ne l’y autorise pas, néanmoins, parfois, une courte mention suffit à exposer les affinités éclairantes de l’interlocuteur au micro. Donner une identité « enrichie » des intervenants est une simple application des principes déontologiques inhérents à la pratique journalistique. Il s’agit également d’une marque de respect à l’égard des auditeurs. Cette présentation leur permet en effet de juger de la partialité ou non de l’interviewé et de la crédibilité de son propos. À l’auditoire ensuite de se forger un point de vue.
Il n’en demeure pas moins que l’exercice est délicat et peut s’avérer complexe, voire contreproductif. En effet, si l’on comprend bien que l’omission de certaines qualités d’un invité soit sujet à crispations pour des auditeurs, estampiller d’emblée un interlocuteur avec quelques étiquettes peut être réducteur et le ranger sans nuance dans une catégorie qui orientera ipso facto l’écoute de l’auditeur avant même que l’interview n’ait commencé. Dans une présentation, il ne s’agit ni d’être exhaustif, ni lacunaire mais honnête, et au plus près de la réalité de l’invité au moment où il parle.
Patrick Boucheron Les propos de Patrick Boucheron, invité dans les Matins de France Culture le 11 octobre dernier, ont sidéré des auditeurs. Interrogé sur la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris, dont il fut co-scénariste, l’historien a semblé passablement irrité par les remarques relatives à la scène de la Conciergerie, remarques qu’il a préféré balayer d’un revers de main.
Les auditeurs s'insurgent contre ce qu'ils perçoivent comme de l'arrogance et du déni de sa part concernant la polémique suscitée par la vision de Marie-Antoinette décapitée. Ils estiment que, malgré ses affirmations sur l'unité et l'inclusion, ce tableau a divisé et heurté une partie du public. Ils s’interrogent sur la présentation d’une scène aussi clivante lors d’un événement tel que les Jeux Olympiques, censé rassembler, estimant que cette séquence était de nature à creuser un peu plus les divisions dans la société.
Dans un contexte où la question des violences subies par les femmes est particulièrement d’actualité, il est également reproché à Patrick Boucheron d'ignorer la portée symbolique de Marie-Antoinette décapitée. Certains estiment qu'il se drape dans une posture moralisatrice, tout en minimisant l'impact d’une telle scénographie au cœur de cette cérémonie mondiale. Ces critiques sont renforcées par le sentiment que l'historien impose de manière catégorique une seule vision légitime de l’histoire, la sienne, tout en refusant de reconnaître que ces représentations artistiques ou « théâtrales » peuvent être perçues comme choquantes ou politiques.
Ne dévoilez pas les intrigues ! Les auditeurs de France Inter sont de plus en plus nombreux à nous écrire au sujet des critiques cinéma ou des animateurs qui révèlent trop d'éléments importants des intrigues - voire carrément la fin du film - ruinant ainsi le plaisir de la découverte des œuvres.
Plusieurs auditeurs reprochent en effet à des animateurs et des chroniqueurs du « Masque et la Plume » et de « La bande originale » de dévoiler des détails clés ou des retournements de situation, ce qui leur enlève l'envie d'aller voir les films au cinéma. Ils demandent que les critiques se concentrent davantage sur les aspects techniques, comme la réalisation et le jeu des acteurs, sans trahir l'intrigue. Certains disent même avoir arrêté d'écouter la radio au cours de ces émissions consacrées au cinéma pour éviter de se voir gâcher l'effet de surprise des films à venir. Un comble !
Emmanuelle Daviet Médiatrice des antennes de Radio France |